Régimes végé : bon ou mauvais pour la santé ?
Nos habitudes alimentaires sont dictées par différents types de motivations : de santé, morales (bien-être des animaux par exemple), écologiques, économiques, informatives (ce que l’on a lu ou appris), religieuses ou encore médicales (recommandations d’un professionnel de santé).
Difficile de savoir comment se nourrir pour protéger sa santé, sans se ruiner, tout en protégeant l’environnement et tout en respectant ses croyances et ses convictions personnelles.
Dans ce contexte d’habitudes alimentaires variées, nous allons nous intéresser plus particulièrement, sous l’angle de la santé, à 2 modes alimentaires qui sont le végétarisme et le végétalisme.
Commençons par quelques définitions(1)
Les végétariens excluent dans leur régime alimentaire, la chair animale : viande et dérivés et le poisson. Différentes formes de végétarisme se distinguent toutefois et peuvent inclure certains produits animaux :
- Le lacto-végétarisme inclut la consommation de lait et de produits laitiers.
- L’ovo-végétarisme inclut les œufs.
- L’ovo-lacto-végétarisme inclut les œufs et les produits laitiers.
- Le pesco-végétarisme inclut les poissons et les fruits de mer.
Les végétaliens excluent la consommation de tous les produits animaux y compris les œufs, les produits laitiers et le miel.
Les vegans excluent l’utilisation de produits animaux même à des fins non alimentaires tels que le cuir, la laine, la soie ou les produits cosmétiques testés sur les animaux.
En France, 5,6% des personnes se déclarent végétariennes, végétaliennes ou véganes alors que 40% de la population interrogée dit connaître au moins un végétarien(5).
Quelles que soient les raisons qui mènent à adopter ces types de régimes, végétariens ou végétaliens, il est légitime de s'interroger sur une question : quels sont les impacts sur la santé ?(2-3-12)
Les effets sur la santé dépendent du type de régime suivi et des nuances à l’intérieur de ces régimes (plus ou moins d'éviction de produits animaux, qualité, quantité des autres produits consommés, mode de vie associé…). En tout cas, il n’y a rien de tout blanc ou tout noir : ces régimes peuvent apporter des avantages en termes de santé mais doivent être bien menés pour éviter des effets négatifs.
Effets positifs sur la santé
Des effets positifs sur la santé ont été mis en évidence.
Les végétariens ont notamment un risque plus faible de surpoids et d'obésité et moins de risques cardiovasculaires comparés à des populations non végétariennes(3-4).
Si le régime végétarien ou végétalien est bien mené, il est alors riche en végétaux, céréales complètes, oléagineux, il apporte beaucoup de vitamines, de minéraux et d'antioxydants. Ce sont des apports intéressants d’un point de vue santé notamment par rapport à des gros mangeurs de viande rouge (et faibles mangeurs de produits végétaux) qui ont plus de risques de survenue de maladies cardiovasculaires.
Les points d’attention
Les végétaliens ont une densité minérale osseuse plus faible et un risque plus élevé de fractures par rapport à des personnes omnivores. L'explication serait liée à une consommation moindre de calcium et de protéines, des facteurs qui seraient associés à une moins bonne santé des os
Les végétariens et les végétaliens consomment beaucoup plus de plantes (légumes, fruits, céréales, légumineuses…) que les non-végétariens. De ce fait, et pour éviter l’absorption de trop grandes quantités de pesticides, il leur est conseillé de privilégier les aliments bio.
Dans ces modes alimentaires, il est important de compenser la suppression des produits animaux par d’autres sources dont la qualité et la quantité doivent être adaptées aux besoins de l’organisme.
Si ces régimes sont mal équilibrés, ils peuvent mener à des carences. Nous évoquerons les micronutriments les plus susceptibles d’être concernés par une carence dans les régimes végétariens et végétaliens(2).
La vitamine B12
La vitamine B12 est présente dans notre alimentation dans les produits animaux tels que les viandes et les abats, les crustacés, les poissons, les fromages et les œufs.
52% des végétaliens et 7% des végétariens sont en déficit de vitamine B12 (concentration plasmatique inférieure à 118 µmol/l)(6).
Cette vitamine a des rôles essentiels pour notre santé : elle participe à la synthèse de notre ADN, elle contribue à la formation des globules rouges (les cellules de notre sang qui servent à transporter l’oxygène), elle intervient dans la synthèse des neurotransmetteurs de notre cerveau et elle a aussi un rôle de production d’énergie.
Les stocks de vitamine B12 durent longtemps ce qui fait que les symptômes d’un déficit, comme par exemple la fatigue, une anémie ou une altération des fonctions cognitives, peuvent mettre du temps à se manifester(7). Si la carence n’est pas corrigée, les conséquences peuvent être graves et irréversibles (troubles neurologiques et psychiatriques).
En prévention, une surveillance du taux de vitamine B12 (prise de sang) doit être réalisée et la prise d’une complémentation mise en place.
Le fer
Une prise de sang dosant la ferritine permet de surveiller le stock de fer dans l’organisme.
Le déficit en fer peut s’exprimer sous forme de signes tels que notamment une pâleur, de la fatigue, des troubles de l’humeur, une chute de cheveux ou des ongles cassants.
Le type de fer qui se trouve dans la viande est mieux absorbé par l’organisme que le fer issu des produits végétaux. Cependant, l’absorption du fer végétal peut être améliorée avec la vitamine C. Il faut alors combiner des sources de fer comme les légumes à feuilles vertes, légumineuses, céréales complètes, fruits secs avec des aliments riches en vitamine C, comme le kiwi, le brocoli ou les agrumes.
S’il est nécessaire de prendre un complément alimentaire (suite à une analyse sanguine), il est conseillé de choisir un fer bien assimilé par l’organisme et qui ne provoque ni constipation ni maux de ventre, c’est le cas avec une forme de bisglycinate de fer.
Le zinc
Comme le fer, l’absorption du zinc présent dans les aliments d’origine végétale (soja, graines, céréales, germe de blé…) est moins bonne qu’avec le zinc issu des produits animaux.
Une prise de sang permet de connaître le statut en zinc.
Si besoin de complémentation, les formes à privilégier sont les formes bisglycinate de zinc ou gluconate de zinc (bien assimilées et bien tolérées).
La vitamine D
La vitamine D est synthétisée majoritairement par l’organisme sous l’effet du soleil et pour le reste, apportée par l’alimentation (produits animaux comme le foie de morue, les poissons gras, les œufs, le lait ou le fromage).
La seule exposition solaire n’étant pas suffisante, il est nécessaire de se complémenter. Les formes naturelles de vitamine D3, à la structure moléculaire plus proche de celle que l’on produit par la peau, comme la lanoline sont à privilégier. Pour les vegans, il existe de la vitamine D3 végétale (lichen).
Les acides gras oméga 3
Les acides gras oméga 3, EPA et DHA sont anti-inflammatoires et indispensables notamment au fonctionnement de notre cœur et de notre cerveau. Ils proviennent majoritairement des produits de la pêche et des produits carnés.
Les sources végétales telles que le soja, les oléagineux, l’huile de colza, l’huile de lin etc permettent d’apporter un autre oméga 3 (l’acide alpha linolénique) qui est précurseur de l’EPA et du DHA. Cependant, la transformation dans l’organisme, de l’acide alpha linolénique en EPA et DHA est très faible d’où l’importance de les apporter directement par l’alimentation (via les petits poissons gras par exemple).
Dans le cas de non consommation de sources directes d’EPA et de DHA, il peut-être nécessaire de prendre une complémentation. L’huile de poisson naturelle sous forme de triglycérides est une forme stable et bien assimilable par l’organisme. Pour les vegans, il y a des compléments alimentaires d’EPA et de DHA à base d’algues.
Une prise de sang dosant les acides gras dits érythrocytaires (c’est à dire dans les globules rouges) permet de connaître le statut en oméga 3 sur les 3 derniers mois. C’est un dosage non remboursé par la sécurité sociale.
L’iode
Des insuffisances en iode peuvent s’observer dans certains régimes végétariens ou végétaliens, l’iode étant principalement présente dans les produits de la pêche et les produits laitiers. Les personnes qui ne consomment pas de sels iodés ou de sels d’algue peuvent être à risque de déficience en iode, la consommation d’algues peut en revanche représenter des apports intéressants.
Les protéines
Parmi les 20 acides aminés constituant les protéines, 9 d’entre eux sont dits essentiels, cela signifie qu’ils doivent être apportés par l’alimentation, le corps ne peut pas les fabriquer. Les protéines animales contiennent tous les acides aminés essentiels.
Concernant les protéines végétales, elles ont souvent au moins un acide aminé essentiel manquant :
- les légumineuses (lentilles, fèves, pois chiches…) présentent un déficit en acide aminé appelé la méthionine.
- les céréales manquent de l’acide aminé appelé lysine.
Chez les végétariens et les végétaliens, combiner légumineuses et céréales constitue une bonne stratégie pour avoir tous les acides aminés essentiels. On peut associer : du riz et des lentilles, de la semoule et des pois chiches, ou encore du quinoa et du tofu. Ces associations peuvent se faire au même repas ou sur une même journée.
L’apport protéique des personnes ayant une activité physique importante et suivant ces types de régime, sera particulièrement à surveiller et peut nécessiter si besoin des apports complémentaires sous forme de poudre de protéines : il existe des formulations vegan contenant plusieurs sources de protéines végétales (protéines de pois, de riz, de chanvre par exemple) garantissant un profil complet d'acides aminés.
En savoir plus sur le soja
Le soja représente une source de protéines végétales de très bonne qualité et il a en plus des teneurs intéressantes en fibres, vitamines et minéraux. Les produits dérivés du soja sont le tofu, le tempeh, le miso, la boisson ou le yaourt au soja…
Le soja a des bénéfices sur la santé mais il contient des isoflavones. Ces dernières sont des substances végétales proches des hormones féminines (les oestrogènes). L’effet hormonal de ces isoflavones interroge quant à des effets négatifs sur la santé. Il n’y a pas à ce jour de réponse consensuelle.
L’ANSES (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) recommande de ne pas dépasser 1 mg par kg de poids corporel par jour d’isoflavones(8) (soit 70 mg par jour pour un adulte de 70 kg). A titre d’exemple, les boissons au soja apportent entre 8 mg et 30 mg d’isoflavones pour l’équivalent d’un grand verre (25 cl) et le tofu apporte en moyenne 53 mg d’isoflavones pour une portion de 100 g.
Par ailleurs, l’ANSES déconseille la consommation de soja chez les enfants de moins de 3 ans et chez les femmes enceintes et allaitantes.
Si l’on ne souhaite plus consommer de protéines animales, on les remplace par des protéines végétales…Attention toutefois !
Le remplacement des protéines animales par des protéines végétales peut mener (sans le savoir) à une consommation plus importante de produits ultra-transformés c'est-à-dire à des aliments qui ont subi de nombreuses transformations les éloignant beaucoup du produit brut et possédant de nombreux additifs.
39,5% et 37% des calories ingérées par les vegans et les végétariens sont issues d’aliments ultra-transformés(9) dont l’impact négatif sur la santé est bien connu (surpoids, obésité, risque cardiovasculaire, diabète…)(10-11).
En effet, de nombreux substituts aux protéines animales mis sur le marché sont des produits ultra-transformés tels que les galettes végétales, les nuggets végétaux, les boulettes végétales ou les laits végétaux.
Pour éviter ces mauvais choix, il est important de bien lire les étiquettes des produits avant de les acheter. Voici quelques conseils :
- Évitez les produits qui contiennent des ingrédients que vous ne connaissez pas ou que vous n’avez pas dans votre cuisine, ce sont des additifs type colorants, émulsifiants, conservateurs.
- Évitez les huiles trop riches en acides gras saturés comme : l'huile de tournesol, l'huile de palme ou l'huile de coprah.
- Évitez les ajouts de sucre ou les sucres cachés dont les dénominations se terminent par "ose" comme saccharose, fructose, sirop de glucose-fructose, les ingrédients commençant par “dextr” comme dextrose, dextrine…, les ingrédients qui contiennent malt : comme maltodextrine, extrait de malt, isomalt…
- Privilégiez les produits avec le moins de sel ajouté : pour cela, comparez la teneur en sel ou sodium indiquée sur les produits.
- Choisissez des produits avec le moins d’ingrédients possible.
En conclusion, adopter une alimentation plus végétale apporte des bénéfices pour la santé. Le modèle alimentaire appelé flexitarisme tend à intégrer plus de végétaux dans son alimentation et moins d’aliments d’origine animale sans toutefois les supprimer totalement.
Concernant plus spécifiquement les régimes végétariens et surtout végétaliens, une évaluation nutritionnelle et un suivi personnalisé auprès d’un professionnel de la nutrition sont recommandés pour éviter tout risque de carence. C’est indispensable pour les populations à risque telles que les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées ou les athlètes et d’une façon générale pour les personnes suivant un régime végétalien.
Note : Les informations de cet article n’ont pas pour objet de donner des avis de nature médicale. La prise de compléments alimentaires, si elle est nécessaire, doit être adaptée aux besoins de chacun et respecter les contre-indications des produits.
Références :
(1)L’état de la question : le régime végétarien est-il incompatible avec une bonne santé? Extenso. Février 2017
(2)Les régimes végétariens et végétaliens : bons pour la nutrition et la santé ? J.M Lecerf. Mises au point cliniques d’Endocrinologie. Paris, 24-25 novembre 2017.
(3)Francesca L Crowe, Paul N Appleby, Ruth C Travis, Timothy J Key, Risk of hospitalization or death from ischemic heart disease among British vegetarians and nonvegetarians: results from the EPIC-Oxford cohort study, The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 97, Issue 3, March 2013, Pages 597–603.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23364007/
(4)Appleby PN, Key TJ. The long-term health of vegetarians and vegans. Proc Nutr Soc. 2016 Aug;75(3):287-93. doi: 10.1017/S0029665115004334. Epub 2015 Dec 28. PMID: 26707634.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26707634/
(5)Centre de recherche pour l'étude et l’observation des conditions de vie. Panorama de la consommation végétarienne en Europe – synthèse FranceAgriMer. Octobre 2019.
(6)Gilsing AM, Crowe FL, Lloyd-Wright Z, Sanders TA, Appleby PN, Allen NE, Key TJ. Serum concentrations of vitamin B12 and folate in British male omnivores, vegetarians and vegans: results from a cross-sectional analysis of the EPIC-Oxford cohort study. Eur J Clin Nutr. 2010 Sep;64(9):933-9. doi: 10.1038/ejcn.2010.142. Epub 2010 Jul 21. PMID: 20648045; PMCID: PMC2933506.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20648045/
(7)Köbe T, Witte AV, Schnelle A, Grittner U, Tesky VA, Pantel J, et al. Vitamin B-12 concentration, memory performance, and hippocampal structure in patients with mild cognitive impairment. Am J Clin Nutr. 2016
https://academic.oup.com/ajcn/article/103/4/1045/4662884
(8)Anses - Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l'alimentation - Recommandations, mars 2005.
(9)Gehring, J., Touvier, M., Baudry, J., Julia, C., Buscail, C., Srour, B., . . . Allès, B. (2020). The consumption of ultra-processed foods by fish-eaters, vegetarians and vegans is associated with the duration and commencing age of diet. Proceedings of the Nutrition Society, 79(OCE2), E467.
(10)Elizabeth L, Machado P, Zinöcker M, Baker P, Lawrence M. Ultra-Processed Foods and Health Outcomes: A Narrative Review. Nutrients. 2020 Jun 30;12(7):1955. doi: 10.3390/nu12071955. PMID: 32630022; PMCID: PMC7399967.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32630022/
(11)Chen X, Zhang Z, Yang H, Qiu P, Wang H, Wang F, Zhao Q, Fang J, Nie J. Consumption of ultra-processed foods and health outcomes: a systematic review of epidemiological studies. Nutr J. 2020 Aug 20;19(1):86.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32819372/
(12)Michel de Lorgeril. Le nouveau régime méditéranéen. Marabout. p121-135.